Le temps médiatique
L’expression “temps médiatique” peut désigner plusieurs choses. Il peut s’agir tout simplement du “rythme” auquel les médias doivent “sortir” des informations : de manière, quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, etc.
Les contraintes des journalistes et les attentes du public ne sont évidemment pas les mêmes selon le format du média et sa ligne éditoriale. Par exemple, une chaîne d’information en continue ne peut évidemment traiter l’information de la même manière qu’un magazine publié une fois par mois : dans le premier cas, on se concentre sur le direct et l’immédiat et dans le second sur l’analyse. Le temps médiatique n’est donc pas le même. Parfois, ce temps médiatique est opposé à d’autres “temps”, notamment le temps judiciaire.
Par extension, le temps médiatique peut également désigner la focalisation des médias sur certains sujets spécifiques. On peut également parler de “blast” dans ce cas : un sujet éclipse tous les autres. La situation sanitaire en est un bon exemple : le sujet de la Covid-19 a pris beaucoup de place dans les médias pendant plusieurs mois, jusqu’à ce qu’il ne soit plus question que de cela. Selon une étude de l’INA de 2020, du lundi 16 mars au dimanche 22 mars, 74,9 % du temps d’antenne des chaînes d’information en continu et des programmes d’info des chaînes historiques a été consacré au coronavirus et à ses conséquences.
On peut donner d’autres exemples. Ainsi, le transfert du joueur de football brésilien Neymar du FC Barcelone au Pars Saint-Germain a donné lieu à un véritable feuilleton suivi de près par les médias, donnant lieu à une sorte de “mini-blast”. Le mariage d’Albert II de Monaco et de Charlène Wittstock a également donné lieu à une focalisation médiatique extrême. Évoquons aussi l’affaire Dominique Strauss-Kahn, qui fit également couler beaucoup d’encre réelle et virtuelle pendant et après la procédure judiciaire.
Dans une moindre mesure, des sujets comme la guerre en Ukraine ou les élections législatives en France et leurs conséquences ont récemment été grandement traités par les médias… au risque parfois d’éclipser d’autres informations.
Trop de temps ou pas assez, un vieux débat
Est-ce normal ? Est-ce légitime ? Le débat est évidemment régulièrement rouvert. Certaines personnes peuvent par exemple trouver anormale la couverture médiatique accordée au transfert de Neymar. D’autres rétorqueront que sa venue au PSG constituait un événement hors du commun dans le monde du football et qu’elle avait des conséquences économiques d’ampleur : en somme, il était normal qu’on en parle.
De même, certains peuvent regretter le temps consacré par les médias au mariage princier de Monaco, quand d’autres répondront que l’appétence du grand public pour ce type de sujets explique ce choix. Enfin, en ce qui concerne l’épidémie de Covid, on pourra toujours arguer que les circonstances étaient exceptionnelles à tous points de vue et que le monde n’avait jamais connu une telle situation (taux de contamination, saturation des hôpitaux, nécessité d’un confinement, etc.). Concernant l’affaire DSK, on pourra dire que le principal intéressé était pressenti pour se présenter aux élections présidentielles et semblait en bonne position pour l’emporter : son arrestation avait donc une grande influence sur la vie politique française.
On peut regretter a contrario que certains sujets ne soient pas davantage traités par les médias. C’est le cas du dérèglement climatique, toujours très peu mis en avant par la presse malgré des évolutions récentes positives.
Enfin, même si l’on accepte le fait que les médias accordent davantage d’attention à certains sujets, on peut déplorer la manière dont ils les traitent. Ainsi, lors des élections législatives de 2024 en France, certaines thématiques ont pris le dessus, comme le rappelle la Fondation Jean Jaurès. Ainsi, dans ce cas précis, le “bruit médiatique” n’a pas forcément concerné les programmes des partis, mais plutôt certains faits et gestes de certains candidats et leaders de partis.
Rappelons par ailleurs que le débat sur la place accordé à tel ou tel sujet ne date pas d’hier. Ainsi, depuis longtemps, les faits divers occupent un espace médiatique important et cela ne va pas sans étonner certains intellectuels : ainsi le critique littéraire Roland Barthes s’interrogeait sur cette fascination des médias et du public pour les “chiens écrasés”.
Rester acteur.trice de son information
Avant de porter un jugement sur les choix et le travail des journalistes en ce qui concerne la hiérarchie de l’information, il faut garder en tête les contraintes qui pèsent sur eux. D’une part, ils sont soumis à une ligne éditoriale et à des actionnaires qui peuvent imposer le traitement de certains sujets. D’autre part, quand un sujet prend une ampleur particulière, le temps et les moyens peuvent manquer pour traiter d’autres sujets. Enfin, les médias se trouvent dans une logique de concurrence : pour capter l’attention du public, ils ne peuvent faire l’impasse sur certaines thématiques d’actualité, sans peine de perdre des lecteurs, des auditeurs ou des spectateurs.
Il n’en reste pas moins que, combiné à l’infobésité et aux bulles de filtre, le temps médiatique conduit à passer à côté de nombreuses informations relayées au second plan. Dans ce cadre et plus que jamais, il est important pour chacun de prendre conscience de sa responsabilité : il convient, en toutes circonstances, de faire preuve de curiosité et d’être acteur.trice de son information en choisissant ce que l’on consulte ou non. Cela permet de se défaire de cette pression imposée par le temps médiatique.
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