Le phénomène d’infobésité 

6 décembre 2024

L’infobésité, aussi nommée surcharge informationnelle ou brouhaha médiatique, correspond à l’excès d’informations qui nous parviennent chaque jour, qui amène à passer sans cesse d’une information à l’autre, jusqu’à se noyer dans ce flux. L’infobésité s’est considérablement développée avec l’essor du numérique, mais le terme date des années 1960. 

Prendre la mesure de l’infobésité 

Selon une étude réalisée par l’université de Berkeley en 2003, l’humanité aurait produit au cours des 30 dernières années davantage d’informations qu’en 2000 ans. Même si ce chiffre désigne la production d’informations dans son ensemble, y compris au sein des entreprises (emailings, SMS, etc.), il donne la mesure de ce qu’est l’infobésité. L’étude précise par ailleurs les choses suivantes : “74 % des managers déclarent souffrir de surinformation et d’un sentiment d’urgence généralisé, et 94 % pensent que la situation ne peut que se détériorer. A la fin du xxe siècle, un cadre recevrait dix fois plus d’informations que quinze ans auparavant. Et il en produit 10 % de plus chaque année.” 

L’offre strictement produite par les médias a quant à elle augmenté de manière considérable. Elle s’est étendue à de nouveaux supports : ordinateurs, smartphones, tablettes… Elle est par ailleurs diffusée sur de nouveaux canaux, en particulier les réseaux sociaux. Une analyse de l’INA précise : “Chaque nouvelle génération de technologies a contribué à générer de nouveaux flux de recettes et, le plus souvent, des innovations de contenus.” 

Cela n’est pas toujours pour le pire car les grands médias comme les nouveaux entrants sur le marché de l’information sont forcés de rivaliser d’imagination et d’ingéniosité pour conserver l’attention de leur public. Toutefois, il se produit aussi le fait que les mêmes informations sont répétées en boucle dans bon nombre de médias et sur un grand nombre de supports

Un contexte économique favorable à l’infobésité 

Il faut ajouter que le contexte économique a évolué : la publicité joue un rôle de plus en plus important dans le financement de la presse et les annonceurs ont tout intérêt à rendre l’information et leur communication très visibles. Ils en ont d’autant plus la possibilité avec l’avènement de la télévision et d’internet. Selon une étude de l’ARCOM, les recettes publicitaires nettes ne cessent de croître dans le secteur des médias. 

Un article de Nathalie Sonnac, professeur en sciences de l’information et de la communication, résume ainsi la situation : “[…] la plupart des entreprises médiatiques financent leurs activités par la publicité. Elles ont besoin des annonceurs pour faire de leur production un contenu profitable, tandis que les annonceurs ont besoin des entreprises médiatiques pour faire connaître leurs produits auprès des consommateurs.” 

Il est donc nécessaire pour les acteurs de la publicité de “nourrir” le public en permanence avec ce mélange d’informations et de d’annonces, d’où la mise en place de stratégies qui visent à capter en permanence l’attention du public. 

De vrais risques liés à l’infobésité 

On pourrait croire que cette diversité et cette abondance de l’information sert les intérêts du public, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, cette surabondance peut générer une véritable fatigue informationnelle. Ce phénomène est d’autant plus problématique que les titres des informations sont souvent réducteurs, écrits au conditionnel, faits pour attirer l’œil et non pour éclairer une réalité nuancée. Il peut en ressortir parfois l’impression globale que les médias publient des informations différentes, voire contradictoires, d’un moment à l’autre. 

Comme le précise un article de France Inter qui s’appuie sur un ouvrage d’Edgar Morin, cela peut finir par lasser : “Il y a quelque chose d’assez assourdissant de voir défiler en continu des images de guerre, des gens qui créent des polémiques stériles, des complots à tout-va, des émeutes, des colères, des punaises de lit, etc. Saoulés par le bruit et la fureur, on finit par couper la télé, éteindre la radio, fermer le journal.” 

L’autre tentation est de ne lire que les titres sans jamais aller dans le détail. Dès 2010, un article de 20 minutes notait que “près de la moitié des utilisateurs du portail d’actualités Google News se contentent de lire les titres…”  Le blog du modérateur s’est intéressé à la question et note que les articles partagés sur les réseaux sociaux sont rarement lus. Slate fait le même constat, en mettant en avant le risque de désinformation.  

Face à l’infobésité, l’indispensable sélection de l’information 

Pour son propre bien-être, il convient de faire le tri dans les informations que l’on reçoit en permanence et de pas céder à tous les messages d’alerte qui nous sont envoyés. Au contraire, il faut sélectionner des sources d’informations fiables et prendre le temps de regarder et de lire jusqu’au bout. Cette exigence permet de s’informer sérieusement et sereinement. 

Pour cela, il est possible de mettre en place une routine informationnelle : 

  • se réserver un créneau dans la journée durant lequel on s’informe et s’y tenir autant que possible ; 
  • ne pas seulement “survoler” un article, un podcast ou une vidéo, mais aller jusqu’au bout ; 
  • se réserver le droit de remettre à plus tard la lecture, l’écoute ou le visionnage de documents trop longs pour être consultés dans l’immédiat. 

Alors que l’information n’a jamais été aussi accessible ni aussi abondante, il est indispensable de faire preuve de discernement, de prendre le temps de s’informer sérieusement, de ne pas s’arrêter aux seuls titres des articles, pour comprendre un sujet avant de construire ses opinions. 

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