L’esprit critique dans l’Antiquité : les apports de la philosophie
L’esprit critique est une activité intellectuelle complexe qui nécessite de prendre conscience des biais possibles, d’extraire l’émotif et l’irrationnel afin de se forger sa propre opinion. Cette démarche peut apparaître comme une notion relativement moderne. En réalité, dès l’Antiquité, on a pris conscience de l’importance de penser par soi-même, de ne pas considérer comme acquise toute information transmise et de chercher à l’analyser.
L’esprit critique… déjà au siècle de Périclès
La civilisation athénienne est souvent considérée comme l’un des berceaux de la démocratie, de la science et de la philosophie… non sans raison. Elle a en effet vu l’émergence d’hommes qui se sont interrogés sur notre manière de comprendre le monde qui nous entoure.
Ainsi, dès le cinquième siècle avant notre ère, le célèbre stratège et homme État Périclès indiquait que « quiconque émet un jugement sur quelque point que ce soit mais ne peut pas l’expliquer clairement aurait mieux fait de ne jamais avoir pensé au sujet ». Il semblerait donc que, dès l’Antiquité, l’humanité se soit interrogée sur la question de la véracité et de la fiabilité des informations.
La philosophie au secours de l’esprit critique
Il faut cependant attendre quelques décennies de plus pour que les philosophes posent les premières bases de l’esprit critique. Ainsi, Socrate – adepte de la philosophie morale – interpelle ses concitoyens athéniens sur ce qu’ils croient savoir et questionne ainsi sur les illusions et les croyances. Il est d’une certaine façon le premier philosophe à remettre en cause les idées reçues.
Disciple de Socrate, Platon reprend chez son maître l’idée que la philosophie doit reposer sur une posture d’écoute active et l’art de poser les bonnes questions. En d’autres termes, la pensée philosophique est sorte de maïeutique : un “accouchement” de l’esprit. Chez Platon, tout ou presque est étudié à travers des dialogues qui permettent d’échanger sur une idée pour mieux saisir la vérité.
Platon, dans l’allégorie de la Caverne (un dialogue de La République), imagine des hommes emprisonnés dans une caverne depuis leur naissance. Du monde extérieur, ils ne saisissent que des ombres et des sons déformés. Ils ne sont vraiment libérés que lorsqu’ils sortent pour contempler le monde réel. À travers ce récit, Platon incite les hommes à ne pas se contenter de préjugés et à aller vers la vérité, le savoir et l’éducation.
La philosophie aristotélicienne
Aristote ira plus loin : élève de Platon et précepteur d’Alexandre le Grand, il développe une philosophie qui insiste sur l’importance des apparences et des opinions. Il suggère de mettre sa pensée en éveil et de rechercher avant tout l’opinion des gens sérieux (ou de haute réputation) afin de tester leur capacité à rendre compte de la vérité. Il affirme par ailleurs qu’il faut aimer la science et la sagesse, et met en avant certaines qualités telles que l’intelligence et la prudence.
Il est difficile de ne pas voir en Aristote et Platon de véritables précurseurs en ce qui concerne l’esprit critique. À travers leurs enseignements, on perçoit en effet la nécessité de se détacher des apparences et des préjugés, de chercher la vérité, de faire preuve de prudence en toutes circonstances sur ce qui nous est affirmé et de se méfier des sophismes, “des raccourcis de la raison qui ne résistent pas à un examen critique” selon le sociologue Gérald Bronner.
Ce que l’on peut retenir des enseignements de la philosophie antique sur l’esprit critique face à l’information
Bien davantage que les hommes et les femmes de l’Antiquité, nous sommes confrontés à beaucoup d’informations. Cela nécessite de prendre systématiquement un peu de temps pour analyser ce que nous recevons.
- Comme Platon, nous pouvons nous interroger sur ce que nous lisons et ce que nous regardons : s’agit-il bien d’informations avérées ? Disposons-nous de tous les éléments pour se forger un avis de manière éclairée ?
- Comme Aristote, nous pouvons faire en sorte de ne pas nous concentrer uniquement sur un point de vue, mais d’en considérer plusieurs.
- Enfin, comme Socrate, nous pouvons faire en sorte de nous interroger sur nos mécanismes de pensée (qui souffrent de biais) et de rester curieux.
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