Chaque mois, Be My Media décrypte avec un invité les enjeux liés aux médias et à l’information. Aujourd’hui : Baptiste Canazzi, ancien professeur de philosophie et cofondateur du cabinet Noetic Bees, qui aborde les liens entre philosophie et esprit critique. 

La philosophie peut-elle être convoquée pour accompagner les décisions prises au sein des entreprises. “Oui”, répond Baptiste Canazzi. Noetic Bees, son cabinet, défend l’idée qu’une méthode philosophique peut devenir un moyen de gagner en efficacité dans les organisations. Dit autrement, la philosophie peut servir la qualité relationnelle, le dialogue et le discernement, dans un objectif de performance et de mieux-être. L’esprit critique, qui se trouve en première ligne de la raison d’être du cabinet, est évidemment au cœur de cette approche. 

Quand la philosophie permet de s’interroger au quotidien 

Dans son entretien avec Be My Media, Baptiste Canazzi met en avant le fait que ce type d’accompagnement permet, entre autres choses, de s’interroger sur les processus cognitifs à l’œuvre lorsque nous recevons des informations. 

Il rappelle par ailleurs ce que permet plus généralement la philosophie : selon la définition qu’en donne Maurice Merleau-Ponty, elle ne pose pas de question ni n’apporte de réponse qui comblerait peu à peu des lacunes, mais elle amène à se poser des questions. Ce processus permet une transformation de l’individu. 

Dans le cadre de notre rapport aux médias, la philosophie permet de prendre du recul sur ce qu’on lit, voit ou entend, et sur l’effet que cela produit sur nous. Grâce à elle, on peut se questionner sur la manière dont on appréhende un média spécifique, sur la compréhension que l’on a d’une notion, sur les émotions qui sont à l’œuvre, etc. 

Raccrocher l’actualité à la philosophie 

Baptiste Canazzi évoque ensuite Bernard Stiegler : selon ce philosophe, il est fondamental de développer les compétences qui font de nous des abeilles, ces animaux qui butinent, pollinisent et apportent une valeur ajoutée à leur environnement. Par-là, il faut comprendre : ne pas se contenter de “consommer” ou republier une information, mais réfléchir à cette information et si possible produire une analyse. Ce processus vient enrichir l’information initiale. 

Quels moyens pour parvenir à ce résultat ? Selon Baptiste Canazzi, il est d’abord nécessaire de douter comme le suggérait Descartes et de mettre en place une méthode permettant de saisir tous les paramètres d’une problématique. Ainsi, nous appréhendons l’information dans son ensemble. Cela contribue à rendre libre, puisque nous prenons des décisions en étant pleinement éclairés. Baptiste Canazzi précise qu’il intervient de cette manière en entreprise et que cela permet à ses clients de prendre leurs décisions sans être victimes d’évidences ou de croyances qui n’ont pas été vues et vérifiées. Cette méthode est également pertinente pour interroger nos croyances fondamentales. 

S’initier à l’esprit critique 

Selon Baptiste Canazzi, il est possible de s’appuyer sur des philosophes pour définir des méthodes de questionnement. Platon ou Aristote, par exemple, nous ont légué des manières de s’interroger. On peut par exemple utiliser la dialectique platonicienne, tout en donnant de la place aux questions ouvertes.  

In fine, cela permet de réfléchir aux croyances que l’on mobilise. 

Par exemple, si un dirigeant d’entreprise souhaite organiser un séminaire dans un cadre ludique pour aborder des sujets sérieux, il pourra penser spontanément que ces deux idées s’opposent… alors que ce n’est pas forcément le cas. 

Autre exemple : on lit et entend souvent qu’un bon manager aime les gens. Mais est-ce vrai systématiquement ? 

L’émergence de l’IA 

Enfin, Baptiste Canazzi évoque les intelligences artificielles que l’on utilise désormais au quotidien, pour conclure qu’elles ne pensent pas n’ont de sens que comme supports. Il met en avant le fait que leur qualité repose sur la qualité des questions posées, les fameux prompts. Plus on amène d’intelligence, plus la machine peut être performante pour nous. 

Merci à Baptiste Canazzi, ancien professeur de philosophie et cofondateur du cabinet Noetic Bees.