Chaque mois, Be My Media décrypte avec un invité les enjeux liés aux médias et à l’information. Aujourd’hui : Angèle Stalder, maîtresse de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’université Jean Moulin Lyon 3. Elle revient sur les pratiques informationnelles des jeunes et tord le cou à quelques idées reçues. 

Les jeunes sont-ils passifs face à l’information ? Passent-ils leur temps à visionner et partager sur les réseaux sociaux des vidéos contenant de multiples fake news ? Eh bien non selon Angèle Stalder, interrogée sur le sujet par be my media. Certes, comme le rappelle un rapport de l’ARCOM paru en 2022, nombre d’enseignants se disent préoccupés par les connaissances et les pratiques numériques de leurs élèves. Mais dans le même temps, d’autres enquêtes montrent une réalité plus nuancée. 

Ainsi, si les jeunes sont très présents sur les réseaux sociaux, cela ne signifie pas qu’ils s’abreuvent de fake news. Nombre d’entre eux suivent des sources très variées, en particulier des médias. Sur ce point, Angèle Stalder cite Anne Cordier, chercheuse en sciences de l’information et de la communication, qui a suivi pendant 10 ans une cohorte de 300 jeunes : elle atteste qu’ils conservent un regard critique sur les informations qu’ils consultent. On est donc loin de l’image de réceptacles consommant des vidéos sans s’interroger. 

Angèle Stalder rappelle par ailleurs que les jeunes ne constituent pas une catégorie homogène : comme le disait Pierre Bourdieu, la jeunesse n’est qu’un mot. Ainsi, même chez le jeune public, les pratiques informationnelles varient considérablement en fonction de l’année de naissance, de l’expérience, de la catégorie socio-professionnelle, etc. La chercheuse rappelle également qu’il est faux d’affirmer que les jeunes s’informaient mieux autrefois. 

L’émergence des influenceurs et des journalistes amateurs 

Il est vrai en revanche que les pratiques informationnelles du jeune public ont connu des évolutions notables, en particulier avec l’émergence des influenceurs et des journalistes amateurs. Ces derniers produisent des contenus très consultés. 

Angèle Stalder note sur ce point que le travail des journalistes amateurs et vidéastes ne doit pas être dédaigné : nombre d’entre eux – comme Usul ou HugoDécrypte – citent leurs sources et travaillent à partir de ce que font les médias, tout en conservant une liberté de ton et des codes propres à la jeune génération. Ils ne sont donc pas des “diffuseurs de fake news”, se plaçant plutôt dans des fonctions d’éditorialistes ou de vulgarisateurs. Ils produisent bel et bien un savoir. 

À cela s’ajoute le fait qu’une grande porosité existe entre les mondes des journalistes amateurs et professionnelles. Par exemple, Usul a travaillé pour et avec Médiapart, et certains journalistes professionnels s’inspirent à présent de ce que font celles et ceux qui informent sans disposer d’une carte de presse. 

Angèle Stalder note cependant que d’autres évolutions doivent être prises en compte dans les pratiques informationnelles. Elle indique notamment que l’information n’est plus hiérarchisée et que, dans l’espace public, les “sachants” d’autrefois” ne sont plus seuls à faire autorité. Dans ce cadre, elle juge indispensable d’accompagner les pratiques informationnelles des plus jeunes. 

Développer une culture de la source 

Cet accompagnement doit passer notamment par une véritable exigence sur l’identification et les motivations de la source de chaque information. Angèle Stalder note à cet égard qu’une source ne peut être considérée comme fiable que pour une situation et un temps donnés. Elle invite à se méfier de certaines sources auxquelles on accorde souvent sa confiance de manière spontanée, comme les sites gouvernementaux. Là encore, elle rappelle la nécessité d’analyser l’intention. 

Elle invite enfin à prendre en compte nos émotions lorsque nous recevons ou vérifions des informations.