La désinformation est un phénomène de diffusion d’informations mensongères, intentionnellement délivrées dans le but de manipuler ou de tromper un auditoire, dans un objectif idéologique ou lucratif, public ou privé. Il faut donc la distinguer de la mésinformation, qui désigne les fausses informations produites involontairement ou sans intention malveillante de tromper. 

D’où vient la désinformation ? 

Les premières techniques de désinformation théorisées dont on a gardé la trace remonte au IVe siècle avant notre ère. Elles sont le fait du stratège chinois Sun Tzu. À plusieurs reprises, dans son ouvrage L’Art de la guerre, Sun Tzu insiste sur l’importance d’obtenir une victoire à moindre coût et sans effusion de sang : la désinformation fait partie des moyens qui permettent d’obtenir une telle victoire. Il en traite particulièrement dans le treizième et dernier chapitre de son ouvrage lorsqu’il évoque plusieurs types de discordes à entretenir chez l’ennemi. L’objectif est de semer la confusion en territoire ennemi et d’y faire parvenir des fausses nouvelles, notamment sur l’état de sa propre armée. Autant de moyens de faire plier l’adversaire avant même de l’avoir combattu. 

On trouve dans l’Antiquité d’autres mises en pratique de la désinformation. Ainsi, lorsqu’il rédige ses Commentaires sur la guerre des Gaules, Jules César sait que son ouvrage sera lu principalement par des Romains, en particulier les Sénateurs, auxquels il tient à montrer l’importance de sa victoire sur les Gaulois. Il use donc de stratagèmes pour présenter ses conquêtes sous un jour favorable : c’est donc une forme de mensonge ou plus exactement d’une série d’exagérations et d’omissions volontaires. 

Par la suite, au cours de l’histoire, le recours à la désinformation est fréquent. Il peut être le fait d’acteurs publics ou privés et vise des objectifs très différents, mais le procédé reste le même : on trompe un public de manière intentionnelle, en espérant en retirer un avantage politique, économique, militaire, etc.  

Au vingtième siècle, les nouveaux moyens de communication (radio, télévision, puis plus tard internet) permettent de pousser plus loin les procédés de la désinformation. Elle est très utilisée notamment pendant les deux guerres mondiales, puis durant la guerre froide et plus tard. À certains égards, on pourrait dire également que certaines méthodes de manipulation de l’information ont pu favoriser le déclenchement de la seconde guerre du Golf, l’élection de Donald Trump en 2016, ou encore le Brexit en 2020. 

C’est aussi à partir du vingtième siècle que la désinformation devient un véritable sujet d’étude pour les chercheurs, les journalistes et les institutions. Différentes définitions sont données. La désinformation est parfois considérée comme un instrument visant exclusivement à semer la confusion dans l’opinion public. Dans d’autres cas, on distingue la désinformation et la manipulation de l’opinion. 

Les différentes formes de désinformation 

Si on rassemble souvent les fausses informations sous la seule et unique dénomination de fake news, ou infox en français, on peut en réalité distinguer plusieurs formes de désinformation : l’hoax, le mensonge, la tromperie à visée commerciale, la propagande et le faux complot. 

L’hoax 

En informatique, le canular (ou hoax) est un contenu malveillant, une information transmise par voie électronique : fausse rumeur, alerte, promesse de gain, fausse chaine de solidarité, phishing… 

L’hoax incite les destinataires à effectuer une opération ou prendre une initiative dommageable. Il peut ainsi être utilisé pour soutirer de l’argent, pirater une victime, ou enrichir la base de données de hackers. Il peut parfois coûter très cher. Ainsi, en 2016, une fausse rumeur a fait chuter en bourse le cours de l’action du groupe Vinci. Le développement d’internet et des réseaux sociaux permet de faire circuler très rapidement ce type de canular. 

Le mensonge 

Les mensonges sont des informations trompeuses, diffusées dans l’intention de nuire, de tromper, et souvent d’en tirer un bénéfice. Il peut s’agir d’affirmations fausses, de production de faux documents, de rumeurs… Le mensonge peut être le fait d’une personnalité politique ou du monde économique, d’un journaliste, d’une entreprise, d’un Etat, d’une personne ou d’un groupe agissant de manière anonyme, etc. 

En matière politique, on peut évoquer par exemple le cancer caché de François Mitterrand. Apprenant dès son élection en 1981 qu’il souffre, le Président fait en sorte que le pays ne soit pas informé de son état et fait publier de faux bulletins de santé le concernant. Le mensonge implique non seulement François Mitterrand, mais aussi une partie de son entourage (dont l’un de ses médecins). 

À l’heure d’internet, les mensonges peuvent aller plus vite et plus loin et avoir une influence réelle sur la population. On peut évoquer les multiples fausses informations qui émaillent à présent immanquablement les campagnes présidentielles. Ces fake news peuvent être partagées et reprises… y compris par des personnalités politiques. 

La tromperie à visée commerciale 

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une fausse information destinée à favoriser les intérêts financiers ou commerciaux d’une entreprise ou d’une personne. On peut évoquer le “dieselgate” (ou affaire Volkswagen) ou encore le scandale Enron. Dans les deux cas, il y a eu tentative de dissimuler certaines activités illégales menées par certaines composantes de ces entreprises. 

La propagande 

Le dictionnaire Larousse définit la propagande comme “l’action systématique exercée sur l’opinion pour lui faire accepter certaines doctrines, notamment dans le domaine politique ou social.” 

Elle vise notamment l’élimination du pluralisme des points de vue. Si la propagande est souvent très utilisée par les régimes dictatoriaux et totalitaires, elle n’est pas que le fait d’Etats. Ainsi, une institution religieuse, un groupuscule, une milice… peut mener des actions de propagande. La propagande peut aussi être le fait d’Etats démocratiques dans certaines circonstances : ainsi, lors de la première guerre mondiale notamment, de nombreuses nations – dont la France, l’Angleterre et les Etats-Unis – usèrent de ce procédé pour justifier leur implication dans la guerre et la politique menée. 

La propagande est utilisée depuis longtemps : on en trouve trace dès l’Antiquité. À certains égards, on peut considérer que Napoléon a usé de propagande pour faciliter sa prise du pouvoir et faire accepter au plus grand nombre ses actions politiques, militaires et diplomatiques. Actuellement, la propagande peut prendre de nombreuses formes : des idées peuvent être véhiculées via la télévision, les journaux, mais aussi le sport, le cinéma, la création d’un bouc émissaire, les glissements sémantiques, etc. 

La propagande peut être utilisée en cas de conflit, pour convaincre une population adverse de cesser de soutenir ses dirigeants. Elle peut être utilisée par un pays contre un autre. Ainsi, on considère actuellement que le pouvoir en Russie use de moyens de propagande vis-à-vis de sa population et de l’étranger. Parmi de nombreux autres exemples, le Huffington Post faisait ainsi état de l’existence d’une “usine à trolls” à Saint-Pétersbourg. L’objectif : fabriquer et diffuser à grande échelle de fausses informations dans le cadre de la guerre menée en Ukraine. 

Le faux complot 

Enfin, parlons du faux complot (ou “théories du complot”). Il s’agit de la croyance selon laquelle se cacheraient des intentions et des agissements occultes derrière les apparences de la vie politique et économique. Cela donne lieu à la création et au partage d’informations sans fondement, visant à jeter l’opprobre sur un gouvernement, une population, une institution, une catégorie de personnes, etc. 

Si les théories du complot ne sont pas récentes – en France, on en trouve trace dès la Révolution – elles se sont ancrées dans notre époque : ainsi, les théories du complot ont été légion lors des attentats du 11 septembre 2011 et pendant la crise du Covid-19. Les “bénéficiaires” des théories du complot peuvent être ceux qui en tirent un intérêt lucratif, et parfois certaines personnalités politiques.  

Désinformation et démocratie 

Toutes ces formes de désinformation constituent une préoccupation majeure pour la démocratie et la liberté, car elles cachent très souvent des stratégies visant à manipuler l’opinion publique et à affaiblir les États et leurs institutions. 

De nos jours, en effet, les principaux acteurs à l’origine de la création et de la production de désinformation sont des officines publiques et privées spécialisées dans la manipulation de l’opinion à des fins électorales, économiques ou géopolitiques principalement. Évoquons la “team Jorge” en Israël, qui utilise notamment un très grand nombre de faux profils sur les réseaux sociaux pour diffuser des infox. Le journal L’Humanité rappelle à ce sujet que la chaîne BFM-TV avait été infiltrée par cette officine. Une enquête menée par plusieurs médias, dont Radio France, rappelle par ailleurs l’ampleur du phénomène. 

Le danger est d’autant plus grand aujourd’hui, car les plateformes numériques décuplent la vitesse de propagation des fausses informations. Comme vu plus haut, il est légitime de se demander si les fake news ont pu jouer un rôle déterminant à l’occasion d’élections importantes. Plus que jamais, il est donc important de s’informer correctement, notamment en recherchant la source des informations que l’on consulte.