Qu’est-ce que le conseil de déontologie journalistique ?
Fondé en 2019, le Conseil de déontologie journaliste et de médiation (CDJM) peut être saisi pour rendre des avis sur les pratiques des médias en France. Il représente à la fois les journalistes, les éditeurs de presse et le public. Association loi 1901, le CDJM se présente comme une instance indépendante de l’État et de tout organisme public ou privé, mais il ne fait pourtant pas l’unanimité dans le monde des médias.
Mission du CDJM
Sur son site, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) se définit comme “une instance de médiation entre les journalistes, les médias, les agences de presse et les publics sur toutes les questions relatives à la déontologie journalistique.”
Concrètement, il peut être saisi par le public ou s’auto-saisir concernant toute pratique professionnelle émanant d’un média. Il peut être amené à rendre un avis sur la pratique en question.
Par exemple, à la suite de la publication d’une vidéo sur le site L’Humanité concernant des violences sexuelles au sein d’une école catholique de l’Essonne, le CDJM a été saisi par un requérant dénonçant une enquête à charge. D’autres saisines ont concerné Arte, France Bleu, Jeune Afrique, ou encore France Soir. Dans chaque cas, un avis est rendu, et il est indiqué si la saisine était fondée ou non.
La création du CDJM
Le CDJM a été fondé en décembre 2019, à la suite des travaux menés depuis 2007 par l’Association pour la préfiguration d’un conseil de presse en France (APCP). Sa création fait suite à celle de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI), dont les membres ont contribué à réfléchir aux futurs statuts du CDJM. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) compte également parmi les fondateurs.
On notera qu’il ne s’agit pas du seul organisme de ce genre dans le monde. Le site précise sur sa page de présentation que 18 pays de l’Union européenne se sont dotés d’un conseil de presse et qu’une centaine de conseils de déontologie du même genre existent dans le monde. Il donne également une liste précise de ces organismes.
Une association et non un ordre
Association loi 1901 – donc indépendant de tout autre organisme privé ou public – le CDJM est composé de trois collèges représentant à part égale les journalistes, les éditeurs de presse et le public, tous chargés de rendre les avis à la suite de saisines. Il compte actuellement 51 conseillers répartis dans ces trois collèges et deux permanents.
Issu du monde des médias, le CDJM est le reflet de la volonté de défendre la liberté de pensée, d’expression et d’information. Il n’est pas un ordre comme peuvent l’être celui des médecins ou des avocats, et s’interdit de s’immiscer dans la ligne éditoriale ou les choix rédactionnels d’un média. Il réfute sur son site être un « tribunal de la pensée » et s’intéresse plutôt à contrôler et vérifier ce qui est dit à titre informatif (les faits mis en contexte) et ce qui relève de l’expression d’une opinion (personnelle).
Des avis et non des sanctions
Le CDJM joue un rôle essentiellement consultatif. Il n’est pas en mesure de prononcer des sanctions contre des acteurs publics ou privés, mais il peut appeler à la vigilance à travers ses avis. Son travail se comprend davantage dans le cadre de la défiance vis-à-vis des médias et de l’augmentation des fake news : le CDJM contribue en effet à la compréhension par le public de la production de l’information à travers l’évaluation de sa qualité journalistique.
Le CDJM indique sur son site que l’association s’appuie sur trois textes de références pour motiver ses décisions :
- la Charte d’éthique professionnelle des journalistes de 1918 ;
- la Charte de Munich de 1971 ;
- la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes de 2019.
Des critiques contre le CDJM
Le CDJM ne fait pas l’unanimité au sein du monde des médias, et ce depuis sa création. Ainsi, en 2019, Ellen Salvi, membre de la société des journalistes de Médiapart, estimait : « Nous ne sommes pas contre un conseil de la presse, mais les conditions ne sont pas remplies. Rendre des comptes à nos lecteurs, nous le faisons déjà quotidiennement. »
Un grand nombre de médias français refusent par ailleurs de participer au CDJM, dont l’AFP, Europe 1, L’Express, Le Figaro… Dans une lettre ouverte, des représentants de ces différents médias ont exprimé leur défiance vis-à-vis de ce projet jugé trop lié au gouvernement du Premier ministre Édouard Philippe.
Cette lettre met notamment en avant l’argument suivant : “Le pire service à rendre aux médias aujourd’hui serait de les contraindre à se plier à une norme artificielle de déontologie. Ce sont les lecteurs qui jugent les journalistes, pas les journalistes qui se jugent entre eux.”
De même, l’observatoire des médias Acrimed n’a pas souhaité rejoindre le CDJM, mettant en avant notamment la crainte d’une baisse des subventions étatiques à des médias ne passant pas le “filtre” du CDJM. Le communiqué ajoute : “Plus généralement, on peut se poser la question de l’utilité de ce conseil de presse, dans un contexte où les facteurs les plus importants du « mal-journalisme » ne sont pas remis en cause : la concentration des médias entre les mains d’une poignée de milliardaires, le manque de pluralisme des idées (lié à cette concentration), ou encore les conditions sociales de la production journalistique (précarité toujours plus forte des journalistes).”
La mise en place du CDJM : une avancée malgré tout
Malgré ces critiques et ces limites, la mise en place du CDJM constitue une avancée pour le monde des médias. Il permet à une équipe plurielle d’apporter un regard et une réponse objective sur les pratiques de la presse. N’étant pas un ordre, le CDJM ne contraint par ailleurs aucune entreprise de presse. Il n’intervient pas dans la ligne éditoriale ni dans les choix rédactionnels. En ce sens, il est un acteur de plus qui permet au grand public de mieux comprendre les médias et l’information.
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