Le biais du messager : quand on juge l’émetteur et non l’information

24 mars 2025

Face à l’information, nous ne sommes pas “neutres”. Les biais cognitifs qui régissent l’esprit humain altère notre jugement. Cela n’est pas anormal : notre cerveau, qui doit traiter au quotidien des milliers d’informations, utilise ces mécanismes pour gagne en efficacité. Il est important cependant de prendre conscience de l’existence de ces biais cognitifs et de comprendre de quelle manière ils peuvent influencer notre perception et notre compréhension en matière d’information. 

Parmi ces mécanismes, il existe le biais dit “du messager”. Il nous pousse à analyser une information en fonction de l’émetteur (personne, entreprise, institution…) qui la délivre. Par exemple : 

  • Un homme politique que je n’apprécie pas donne une information : je peux être amené à la considérer immédiatement comme fausse ou douteuse sans même en analyser le contenu. 
  • Une ONG que j’apprécie et à laquelle je fais des dons donne une information : je peux être amené à la considérer comme vraie sans la vérifier. 

En d’autres termes, selon notre proximité avec l’émetteur ou la crédibilité que nous lui accordons, nous serons susceptibles de donner foi ou non à ses propos… sans nécessairement faire preuve d’esprit critique. Cela est problématique. 

Une expérience révélatrice du biais du messager 

En effet, l’émetteur auquel nous accordons notre confiance peut tout à fait mentir, y compris en travestissant ses propos. Le professeur de psychologie Jacques Van Rillaer évoque à ce sujet une expérience menée en 1994 par le physicien Alan Sokal : celui-ci rédige une parodie d’article scientifique et le fait publier sans aucune difficulté dans la revue Social Text. Le canular est révélé le jour-même. 

L’affaire montre qu’une personnalité influente peut se servir de son aura pour diffuser des idées fausses. De fait, il n’est pas rare que des fake news soient propagées par des politiciens, des influenceurs ou même des journalistes. Certaines personnes peuvent leur accorder du crédit, notamment du fait de leur statut et de leur fonction. 

La fiabilité des sources en question 

Sans aller jusque-là, il faut admettre par ailleurs que nul ne détient la vérité de manière absolue. Même une personne tout à fait intègre et honnête peut se tromper ou partager à son insu une information erronée. Comme le rappelle la chercheuse Angèle Stalder dans un entretien avec Be My Media, une source ne peut être considérée comme fiable que pour un temps et une situation donnée. 

La rapidité de circulation des informations et leur traitement quasi “en temps réel” peuvent expliquer des approximations et même des erreurs. Adèle Stalder rappelle également qu’il ne faut pas accorder une confiance aveugle aux sources dites “officielles” (préfecture, ministère, etc.) : elles-aussi ont des intérêts à défendre. 

La bonne attitude face à l’information 

Sans remettre en cause de manière systématique toutes les informations qui nous parviennent ou que l’on consulte, il est utile de conserver son esprit critique face à l’émetteur d’une information qu’on l’apprécie ou non. 

On peut se demander par exemple quelles sont ses fonctions et s’il a un lien avec le sujet qu’il évoque. On peut se demander également si une vérification de son information est disponible (les journaux sont à présent nombreux à proposer des services de fact-checking). Enfin, on peut se demander s’il évoque une affaire qui relève de son domaine d’activité ou non, et s’il existe des analyses contradictoires. 

De cette manière, il est possible de prendre du recul et d’analyser l’information au regard de son contenu et non en fonction de celui ou celle qui la porte.  

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