Les lignes éditoriales et la hiérarchisation de l’information

3 décembre 2024

Qu’est-ce que la ligne éditoriale ? 

Les médias doivent sélectionner les informations qu’ils traitent. De même, ils doivent choisir la manière de les traiter. La ligne éditoriale représente l’ensemble de ces décisions. Elle est définie en fonction de divers critères politiques, moraux, éthiques, thématiques, formels, et du public auquel il s’adresse. La ligne éditoriale donne une ligne directrice aux journalistes et producteurs de contenus. Elle induit un ton ou un angle de traitement de l’information. 

Par exemple, le magazine Sciences et Vie appartient à la presse spécialisée scientifique. Le Figaro et Libération sont des quotidiens généralistes avec une tendance politique différente. Le média Reporterre a quant à lui une ligne éditoriale écologiste. 

On peut affirmer dès lors que la ligne éditoriale d’un média définit son identité. On peut noter cependant que celle-ci n’est pas “gravée dans le marbre”. Résultant en grande partie de choix effectués quotidiennement, elle peut évoluer au cours du temps. La ligne éditoriale permet aux lecteurs, auditeurs et téléspectateurs de savoir à quoi s’en tenir au sujet du média. 

Qui fixe la ligne éditoriale ? 

C’est généralement le rédacteur en chef et le comité de rédaction (c’est-à-dire les journalistes) qui décident de la ligne éditoriale du journal. Le ou les actionnaires ont cependant leur mot à dire et peuvent “peser” sur les choix éditoriaux. 

En cas de désaccord avec la ligne éditoriale, un journaliste peut en théorie demander l’activation de sa clause de conscience et refuser de traiter un sujet. Il peut également démissionner et toucher le chômage. Les principaux syndicats de presse insistent par ailleurs pour que les lignes éditoriales respectent la charte de Munich, qui définit les droits et les devoirs d’un journalistes. Cela constitue des garde-fous permettant d’assurer au moins en partie l’indépendance des rédactions de presse face aux propriétaires des médias. 

Il arrive par ailleurs que les journalistes d’un média se fasse entendre par le biais de pétitions ou de mouvements de grèves lorsqu’ils estiment que l’indépendance de leur média est menacée. En 2007, le rachat du journal Les Échos par l’homme d’affaires Bernard Arnault a ainsi déclenché des manifestations

Ajoutons par ailleurs que l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ex CSA) veille au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion : cela s’ajoute aux obligations des médias. Précisons que depuis février 2024, l’ARCOM doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques » contrairement à ce qui était le cas auparavant. La ligne éditoriale, quelle qu’elle soit, doit respecter ce principe. 

La ligne éditoriale, un choix politique de la part des médias 

Afin de garantir leur indépendance et de fixer librement leur ligne éditoriale, certains médias ont adopté des fonctionnements particuliers. Par exemple, le journal Libération (créé en 1973) a instauré l’élection de sa direction par tous les salariés de l’entreprise. Autre exemple : à ses origines, le journal Le Monde était entièrement détenu par sa société de rédacteurs. Enfin, on peut noter qu’à ce jour, les journalistes du Canard enchainé sont les seules personnes qui peuvent en être actionnaires : ils ont donc le loisir de refuser toute publicité dans les pages et de traiter des sujets qu’ils choisissent en toute indépendance. 

Il est intéressant et important de savoir comment est fixée la ligne éditoriale des médias grâce auxquels on s’informe. En effet, l’information n’est pas traitée de la même manière si les médias sont indépendants de toute pression économique (actionnariat et publicité), s’ils appartiennent à leurs journalistes ou s’ils sont possédés par un groupe ou un consortium. 

En France, 11 milliardaires détiennent 80 % de la presse quotidienne généraliste, quasiment, 60 % de la part d’audience en télé et la moitié des audiences de la radio. Les propriétaires sont souvent des industriels extérieurs aux médias. Cela répond à une logique économique. Un des risques qui découlent de cette concentration des médias est celui de l’uniformisation de l’information. La réduction du nombre de voix indépendantes mène à une homogénéisation des contenus, limitant ainsi la diversité des points de vue, à l’originalité éditoriale et ainsi à un nombre limité de lignes éditoriales différentes.  

À titre d’exemple : 

  • Le journal Les Échos est actuellement toujours possédé par Bernard Arnault, via son groupe Les Échos – Le Parisien. Bernard Arnault possède également le groupe de luxe LVMH. 
  • L’hebdomadaire Le Point est détenu par l’homme d’affaires François Pinault via la holding Artémis.  
  • La chaîne BFM-TV est possédée par le groupe RMC BFM, une filiale de l’armateur CMA CGM. 
  • La chaîne TF1 est possédée par le groupe Bouygues. 
  • Le journal Médiapart n’a plus d’actionnaires depuis 2019. Il est possédé par le Fonds pour une presse libre. 
  • La chaîne CNews est détenue par le groupe Canal+, qui appartient à l’homme d’affaires Vincent Bolloré. 

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