La viralité de la désinformation
Si les fake news, les rumeurs et les théories du complot ont toujours existé sous différentes formes, le défi auquel doit faire face notre société est celui de l’explosion de leur prolifération en ligne. Depuis quelques années, les réseaux sociaux tentent de lutter contre la désinformation sur leurs plateformes, avec une efficacité souvent très relative tant le volume est important.
Les fake news d’hier à aujourd’hui
Les fake news sont presque aussi vieilles que l’information elle-même. Pour rappel, certains auteurs antiques – comme le stratège Sun Tzu – recommandaient d’user de désinformation en territoire ennemi afin de saper le moral de l’adversaire et de diminuer sa combattivité. Et si la désinformation est très utilisée en temps de guerre – opération Fortitude durant la Seconde Guerre mondiale, opération INFEKTION durant la guerre froide, fausse affaire des “couveuses du Koweït” en 1990… – elle peut être utilisée à d’autres fins et par d’autres acteurs.
Ainsi, les fake news peuvent être lancées par des personnalités publiques, des influenceurs, des particuliers, et ce pour des motifs divers : enrichissement personnel, tentative de gagner en popularité ou de faire oublier un scandale, tentative de jeter le discrédit sur un adversaire ou une entreprise etc.
À titre d’exemple, évoquons ces fake news qui ont entaché la campagne présidentielle de 2017 : infirmières agressées par une personne d’origine étrangère, campagne d’Emmanuel Macron financée par l’Arabie Saoudite, Jean-Luc Mélenchon en possession d’une montre de grande valeur… Autant d’informations fausses parfois relayées par des politiciens et des journalistes. Les entreprises peuvent également être visées par des fake news : Adidas fut ainsi la cible des “Yes Men”, activistes souhaitant faire passer un message politique. La marque Bonduelle fut également attaquée.
Mais encore une fois, la désinformation n’est pas l’apanage de notre époque. Prenons par exemple Marie-Antoinette, épouse du roi Louis XVI : elle fut l’une des reines les plus détestées de France, en partie du fait de messages haineux diffusés contre elle dans des pamphlets. On peut même remonter plus loin dans le temps : lorsque Jules César rédige la Guerre des Gaules, il cherche à gagner les faveurs des patriciens et plébéiens romains. On peut légitimement douter de l’entière sincérité de ses propos. Le proconsul, en 50 avant J.C, utilise déjà la désinformation pour se façonner une image flatteuse.
Une propagation beaucoup plus rapide de nos jours
La différence entre hier et aujourd’hui tient à la rapidité de la diffusion des informations, vraies ou fausses. Avec Internet et les réseaux sociaux, tout va beaucoup plus vite et il est aisé de toucher un public nombreux. Il semble même plus simple de propager une fausse information : selon une étude menée par le MIT en 2018, une information vérifiée et juste mettait six fois plus de temps à parvenir à 1500 personnes sur Twitter qu’une information erronée. Ce phénomène peut s’expliquer entre autres raisons par la dimension sensationnelle et émotionnelle des fake news, ainsi que par l’infobésité et la défiance grandissante envers les médias.
Par ailleurs, il est désormais possible de déployer des moyens conséquents pour diffuser des fake news et certains acteurs ne s’en privent pas. On peut donner ici l’exemple du scandale Cambridge Analytica, cette société britannique qui a volé les données de plusieurs millions personnes sur Facebook (des données ensuite exploitées par des acteurs politiques, dont Donald Trump) et qui a recouru aux fake news pour manipuler l’opinion publique. Évoquons également la “Jorge Team”, agence de manipulation de l’information en mesure de manipuler l’opinion au point d’influencer le résultat d’élections. Enfin, précisons que certains États n’hésitent pas à recourir à la désinformation et la diffusion massive de fake news pour servir leurs intérêts. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, la Russie a tenté de discréditer la France par ces moyens durant les Jeux olympiques de Paris.
Les conséquences de la diffusion massive de fake news peuvent se révéler désastreuses. Selon le site Statista, près d’un Français sur deux est climatosceptique en 2023 et de nombreuses autres fausses informations, même les plus absurdes, font des adeptes : théorie de la Terre plate, créationnisme… Les réseaux sociaux ne peuvent s’absoudre de leur responsabilité : toujours selon Statista, “29% des jeunes consultant TikTok plusieurs fois par jour pensent que l’assaut du Capitole aux États-Unis en 2021 a été mis en scène pour accuser les partisans de Donald Trump, contre seulement 19% des jeunes ne consultant jamais TikTok.”
L’ampleur des fake news permet, comme mentionné plus haut, d’influencer le résultat de certaines élections : élection de Donald Trump en 2016, Brexit, etc.
Face à la propagation massive de fake news, des initiatives aux résultats limités
Certaines entreprises de presse ont réagi au phénomène, notamment en mettant sur pied des services spécifiques chargés de vérifier certaines informations : Checknews chez Libération, les Décodeurs chez Le Monde… Certains sites s’efforcent de lutter contre les fake news : c’est le cas par exemple d’Hoaxbuster. Enfin, les réseaux sociaux prennent parfois ce sujet en main : Meta – le groupe gérant Facebook, Instagram et Whatsapp – a ainsi pris la décision en septembre 2024 de priver les médias russes d’accès à ses services.
Les résultats de telles actions restent cependant limités, au regard de la facilité de diffuser de fausses informations sur le web. L’intelligence artificielle offre de surcroît des moyens supplémentaires aux diffuseurs de fake news. Cela montre une fois de plus la complexité du sujet. Dans ce cadre, il est plus que jamais indispensable de se comporter en citoyen averti, en vérifiant les informations que l’on consulte et que l’on partage, en s’assurant le cas échéant que les sources sont fiables, et en gardant un esprit critique en toutes circonstances quant aux nouvelles qui nous parviennent.
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