La liberté de la presse en France
En France, la liberté de la presse est protégée par plusieurs lois, en particulier celle du 29 juillet 1881. Cela n’a pas toujours été le cas : l’Ancien régime, par exemple, surveillait davantage la presse et même des régimes républicains ont pu, à certaines occasions, restreindre les droits dont disposent les journalistes. De nos jours, même si la liberté de la presse est toujours garantie par la loi de 1881 et plusieurs autres, tout n’est pas autorisé pour autant. Explications.
La protection de la liberté d’informer : une conquête progressive
En France, la loi protège la liberté de la presse. Il n’en a pas toujours été ainsi. Avant la Révolution de 1789, tout organe de presse pouvait ainsi être soumis au contrôle royal. Évoquons l’exemple du journal La Gazette qui fut doté par Louis XIII d’un privilège royal de paraître et d’éditer. Par ailleurs, avant 1789, il pouvait être interdit de publier des écrits contre la religion, l’État, ou ce qui était considéré comme “les bonnes mœurs”. La presse n’était donc pas libre.
Il faut noter toutefois que, même sous l’Ancien régime, la presse a pu connaître certaines périodes favorables à la diffusion d’idées et d’opinions. Ce fut le cas notamment lors de la période des Lumières, au cours de laquelle il fut possible de s’exprimer davantage. Par ailleurs, dans certaines circonstances, l’autorité royale a pu se montrer conciliante avec la presse. Ainsi, lors de la séance des Etats généraux du 23 juin 1789, le roi Louis XVI se montre favorable à la liberté de la presse.
La période révolutionnaire est chaotique. Si, dans les années qui suivent 1789, la parution de journaux est facilitée, la presse s’auto-censure lors de la Terreur et elle est mise sous la coupe du pouvoir avec le Directoire et l’Empire. Le pouvoir en place agit de diverses manières pour limiter et encadrer la liberté de la presse :
- Certains thèmes peuvent être tout simplement interdits : ainsi, la loi sur la presse du 9 septembre 1835 interdit de critiquer le roi, la dynastie, la monarchie constitutionnelle…
- L’Etat peut exiger un cautionnement avant publication : cela fait peser un risque sur l’entreprise de presse qui ne peut publier ce qu’elle souhaite, au risque d’être privée de cette somme.
- Enfin, le pouvoir peut limiter le nombre de journaux autorisés : sous le premier Empire, quatre journaux sont autorisés à Paris et un par département en province.
Jusqu’à la Troisième République, tous les régimes politiques ou presque s’assurent de museler la presse pour éviter notamment la prise de parole de leurs opposants.
Le tournant : la loi de 1881
Il faut donc attendre la Troisième République pour constater une évolution notable : une dizaine d’années après la Commune de Paris, et malgré une poussée conservatrice, le Parlement vote la loi du 29 juillet 1881. Celle-ci abolit les principes d’autorisation préalable et de cautionnement : concrètement, un journal n’est plus dans l’obligation de déclarer ce qu’il va publier avant de le faire, ni de déposer une somme d’argent auprès d’une autorité administrative. Cela libère les entreprises de presse et met fin à la censure a priori.
Il demeure néanmoins obligatoire de déclarer le journal auprès du procureur de la république (titre du journal, nom et adresse du directeur de publication et de l’imprimerie). Il peut également s’appliquer un contrôle a posteriori sur les journaux. En effet, la loi de 1881 ne permet pas tout. Elle instaure notamment des délits de presse : il est ainsi interdit aux journaux d’offenser le président de la République, d’attenter à l’honneur d’un citoyen, d’inciter à commettre un acte illégal ou encore de pratiquer la diffamation.
La loi de 1881 offre donc à la fois une liberté et un cadre aux activités de la presse. Elle clarifie les droits et les devoirs des journalistes. Notons cependant que cette loi n’a malheureusement pas empêché de nouveaux abus du pouvoir. Ainsi, durant la Première guerre mondiale, un contrôle sur les journaux est instauré. Sous l’occupation et le régime de Vichy – de nature xénophobe et antisémite – la presse a été tout simplement muselée. Durant cette période émergent de nombreux journaux clandestins. La liberté de la presse n’est rétablie qu’à la Libération.
D’autres lois régulant la liberté de la presse
Durant la seconde moitié du vingtième siècle, d’autres lois et textes viennent compléter la loi de 1881. D’abord, de nombreux journaux se réfèrent désormais à la Charte de Munich (qui n’a pas de valeur obligatoire) : celle-ci définit les droits et devoirs des journalistes et s’attarde notamment sur le secret des sources. Un journaliste s’oblige à “garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement.”
Évoquons ensuite la loi Pleven de 1972 qui permet de lutter spécifiquement contre le racisme et la discrimination en créant des délits spécifiques. Elle est complétée par la loi Gayssot, adoptée en juillet 1990, qui durcit encore les sanctions contre les auteurs et les incitateurs d’actes et de propos racistes. Cette loi qualifie de délit la contestation de crime contre l’humanité (autrement dit le négationnisme).
On peut également voir une avancée de la liberté de la presse dans la légalisation des radios libres en 1982.
Précisons aussi qu’il existe en France depuis 2018 deux lois “anti fake news”. La presse doit composer avec cette réalité juridique. Notons qu’elle doit également faire face depuis 2018 à une loi très contestée protégeant le secret des affaires.
Enfin, notons que les entreprises de presse en France sont protégées également par des régimes d’aides financières. Ceux-ci permettent le développement et la diffusion des journaux ainsi que la défense du pluralisme.
À ce jour en France, la liberté d’informer est donc protégée de plusieurs manières :
- Les médias sont indépendants du pouvoir politiques.
- Les “sources” des journalistes sont protégées.
- Il n’est pas nécessaire d’obtenir une quelconque autorisation avant de publier une information.
- Le pouvoir politique s’appuie notamment sur l’Arcom pour garantir le pluralisme des opinions à travers les médias.
Cela permet à la France de se hisser, en 2023, à la 24ème place du classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières (le premier étant la Norvège et le dernier la Corée du Nord). Même si tout n’est pas parfait (la liberté d’expression pouvant parfois être contrainte par certaines lois et par les pressions diverses exercées par certaines entreprises mises en cause par la presse), toute personne peut s’exprimer et diffuser des informations de manière libre.
Actions contre les médias
Le droit français garantit à toute personne le respect de sa vie privée, y compris face aux médias. Ainsi, il est possible pour toute personne de solliciter la justice si elle estime être victime d’un préjudice de la part d’un média (par exemple la publication d’une photographie ou d’une vidéo dans un lieu privé).
Le juge peut agir pour faire cesser la situation, y compris en référé : il s’agit d’une mesure d’urgence permettant de prendre des mesures provisoires, comme l’interdiction de la publication d’un article, en attendant un procès au fond. Une victime pourra obtenir des dommages et intérêt, selon la situation. Elle peut également obtenir un droit de réponse si elle est mise en cause dans un média.
On peut conclure de cela que la presse, en France, navigue en permanence entre sa liberté de diffuser des informations et le devoir de respecter la vie privée et l’intégrité des personnes.
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