Biais technologiques et information
Certains biais cognitifs et émotionnels, indissociables du fonctionnement de l’esprit humain, sont susceptibles d’affecter notre pratique de l’information. À titre d’exemple, le biais de confirmation peut nous pousser à privilégier des informations allant dans le sens de ce que l’on pense déjà. Il existe également des biais dits “technologiques”.
En effet, la production et la diffusion de l’information ont été profondément transformées par la digitalisation. D’une part, il en résulte un phénomène d’infobésité, autrement dit un excès d’informations. Cela peut avoir pour effet de masquer certaines informations et de générer une surcharge émotionnelle chez les destinataires.
D’autre part, en fonction du moteur de recherche ou du réseau social utilisé, le flux de contenus d’informations est différent d’un individu à l’autre. Chacun peut alors être confronté à une “bulle de filtre” : celle-ci conduit à s’enfermer dans une bulle informationnelle, sans découvrir de nouveaux sujets ou points de vue. Cela peut être renforcé par un autre phénomène, celui des chambres d’écho, qui se sont également multipliées avec l’avènement des réseaux sociaux.
Cet article revient sur ces différents biais technologiques.
L’infobésité : quand trop d’informations tue l’information
Le Larousse en ligne définit ainsi l’infobésité : “Surabondance d’informations imputée aux chaînes d’information en continu, aux nouvelles technologies de la communication (Internet, téléphones portables, messageries, réseaux sociaux) et à la dépendance qu’elles créent chez l’utilisateur.” Caroline Sauvajol-Rialland, spécialiste de l’infobésité, précise dans un artiocle de l’Expansion Management Review que “l’humanité a produit au cours des trente dernières années plus d’informations qu’en deux mille ans d’histoire” et que “ce volume d’informations double tous les quatre ans …”
Via internet, il est en effet beaucoup plus simple de produire et de diffuser des informations.
Cela peut générer une surcharge émotionnelle chez les individus, qui ne sont pas capables de répondre à ces multiples sollicitations émanant de sources différentes. Très concrètement, on reçoit plus d’informations que ce que peut traiter le cerveau. Il peut en résulter un déficit d’attention, une cyberdépendance… ce qui est problématique pour la pratique de l’information.
Les bulles de filtre, pièges des algorithmes
Autre biais technologique : les bulles de filtre. Selon la CNIL, il s’agit d’un “phénomène principalement observé sur les réseaux sociaux où les algorithmes de recommandation […] peuvent parfois ne proposer que des contenus similaires entre eux.” L’algorithme ayant repéré les goûts et les préférences de l’utilisateur, il lui propose les contenus qu’il juge adéquats. Il s’en suit un isolement intellectuel de la personne concernée (soumise uniquement au même type de contenus), voire pire, car l’individu peut être soumis à des fake news à répétition.
Exemple : une personne convaincue que le 11 septembre était une machination orchestrée par le Pentagone sera susceptible de recevoir davantage d’informations en ce sens sur un réseau social.
Les chambres d’écho
L’avènement des réseaux sociaux a donné naissance – ou du moins amplifié fortement – un autre phénomène : celui des chambres d’écho. Celui-ci se définit comme la répétition excessive d’un même message, d’où la métaphore avec une chambre d’écho. Les réseaux sociaux sont en effet conçus pour rassembler des communautés de personnes ayant des centres d’intérêt similaires et étant parfois proches géographiquement. C’est le cas par exemple avec les groupes Facebook. Le risque est grand que les mêmes informations – y compris fausses – se répètent au sein de ces groupes.
Conséquences :
- Le reste de l’information est partiellement ou totalement éclipsé.
- L’information répétée peut -même si elle s’avère fausse – s’en trouver crédibilisée.
- Les sources ne sont pas remises en question et les points de vue opposés sont peu ou pas représentés.
Interdépendance des biais
Les biais cognitifs, émotionnels et technologiques ne fonctionnent pas en “vases clos”. Au contraire, ils s’auto-alimentent et se renforcent mutuellement. Pour cette raison, il est essentiel de les appréhender ensemble, de comprendre leurs liens, pour développer une pratique plus éclairée de l’information.
Par exemple, les algorithmes des réseaux sociaux qui donnent naissance aux bulles de filtre cherchent constamment à capitaliser sur le biais de confirmation, pour proposer des contenus que les individus plus enclins à découvrir car ils confirment leurs opinions.
Prenons ensuite l’exemple des informations sensationnelles, voire parfois angoissantes, diffusées en boucle par certains médias. Elles s’appuient ici sur le biais de l’émotion, pour capter un maximum de notre attention. Les plateformes digitales diffuseront à leur tour en priorité ces informations au regard du potentiel d’engagement de leurs utilisateurs.
Des tentatives de régulation
En France, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) est chargée de la régulation des plateformes de partage de vidéos, des réseaux sociaux, des moteurs de recherche, des agrégateurs. Elle peut intervenir sur la lutte contre la manipulation de l’information ou contre la haine en ligne. Elle vérifie que les plateformes assurent bien la modération des contenus et assument leur obligation de permettre aux utilisateurs de signaler tout contenu problématique.
Reste cependant que l’Arcom ne peut réussir seule à “assainir” le web, tout simplement car il n’est pas possible d’agir uniquement au niveau national. Depuis quelques temps, certaines institutions supranationales se préoccupent également du problème. Ainsi, l’Union européenne a adopté en 2022 le Digital Services Act : celui-ci permet théoriquement aux plateformes comme Facebook de mieux éliminer les contenus illicites en ligne.
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